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37-LE DOGUE DU TIBET EST IL L’ANCETRE DE TOUS LES CHIENS DE PROTECTION DE TROUPEAUX ? Janv 2010 Le Tibet est une région officiellement « autonome » au sein de la République Populaire de Chine. Sa superficie historique est de 2,5 millions km², presque 5 fois celle de la France et sa superficie administrative est de 1,2 millions km², donc 2 fois celle de la France. Sa population est de 2,6 millions habitants, un pays presque 25 fois moins peuplé que la France. Les chaînes de montagnes Tien Shan, Qilian Shan et Himalaya constituent ses frontières naturelles infranchissables au nord, au sud et à l’ouest. La seule « ouverture » à peu près accessible au monde extérieur, est à
Yak, Himalaya. (Wikipédia)
l’est. Il a une altitude moyenne de 4200 mètres. Ce toit du monde a une température moyenne de –5°C.
Il n’y a pas beaucoup de pays au monde qui réunissent autant de conditions climatiques et environnementales aussi défavorables.
Il y a une population nomade non négligeable qui menait une vie pastorale fidèle à sa tradition ancestrale jusqu’en 1959, date à laquelle le Tibet a été mis sous tutelle Chinoise. Cette même population qui vit de l’élevage de yaks, de chèvres et de moutons continue à exister aujourd’hui, ce sont seulement les règles de la vie pastorale nomade qui ont été modifiées.
La vie des hommes au Tibet dépend principalement des yaks. Ce bovin avec sa couverture de laine particulièrement fournie est capable de résister au froid extrême, il peut vivre jusqu’à 6000 mètres d’altitude. La nourriture de base des Tibétains est la viande et le lait de Yak. Ce dernier est stocké et consommé sous forme de beurre. Sa peau et sa laine sont utilisées pour fabriquer des tentes et des habillements, sa bouse sert de combustible.
Dirigé par des moines depuis des millénaires, le Tibet a toujours vécu enfermé sur lui-même.
Dans ce pays vit le dogue du Tibet, un chien de protection. Pratiquement tous les documents occidentaux précisent que l’ancêtre de tous les chiens de protection de troupeaux est le dogue du Tibet.
Nous n’en sommes pas aussi convaincus et nous voulons en savoir plus.
1- Ces affirmations ne sont jamais accompagnées d’arguments susceptibles d’appuyer cette hypothèse.
Dogue du Tibet. Photos : Daniel DERAIN.
2- Le Tibet est un pays dont la population est une des plus faibles au monde par rapport à sa superficie.
3- Les Tibétains n’ont jamais émigré en masse.
4- Ils n’ont jamais fait de conquêtes.
5- Ils n’ont jamais cherché à exporter leur culture.
6- Ils n’ont donc jamais emmené eux-mêmes leurs chiens à l’extérieur de leur pays.
7- Le dogue du Tibet est déjà rare dans son propre pays, comment a-t-il pu se répandre sur la terre entière ?
Dans ces conditions comment se fait-il que ce chien soit considéré comme l’ancêtre de tous les chiens de protection dans le monde ?
Bien que, à l'origine, ils soient voisins sur le plan géographique, les chiens de l’Asie Centrale et le Dogue du Tibet sont différents sur le plan morphologique, ce qui accrédite l'hypothèse selon laquelle le dogue du Tibet, jusqu'il n'y a pas longtemps, n'a jamais quitté son environnement natal, ne s'est jamais retrouvé au delà des montagnes infranchissables qui l'entourent.
De plus, la couleur dominante chez le dogue du Tibet est noire avec des zones jaunes et rousses. Il n’a jamais de taches blanches. Or, chez la plupart des chiens de protection, les couleurs blanche, crème et ivoire sont les couleurs dominantes. Akbash, Kuvasz, Komondor, berger de Maremme, montagne des Pyrénées, berger des Carpates, berger de Tatra et autres chiens de protection, sont tous blancs. Comment peut-on admettre que le dogue du Tibet qui est noir, soit l’ancêtre, le vivier génétique de toutes ces races suscitées ?
Nous pensons que l’ancêtre des chiens de protection est plutôt le chien d’Asie Centrale.
1-) L’Asie Centrale est un haut lieu de la vie pastorale nomade. Sur ses grandes steppes se pratique depuis toujours l’élevage extensif traditionnel à grande échelle qui nécessite l’utilisation obligatoire de chiens de protection.
Chiens de combat en Afghanistan.
Photos : Rasaq QUADIRIE
-.la sécheresse prolongée -.la surpopulation par rapport aux ressources du pays -.la volonté ou/et la nécessité de conquérir d’autres terres. Ils sont allés de la Chine jusqu’au cœur de l’Europe de manière durable. Il n’est donc pas impensable qu’ils aient emmené leurs chiens. C’est même probable parce qu’au sein de toutes les populations d’origine turques, qu’elles soient en Asie ou en Europe, nous rencontrons toujours le même type de chien.
3-) Les grands chiens de protection continuent à exister en bon nombre et perpétuent leur travail ancestral dans toutes les républiques de l’Asie Centrale.
4-) Ces mêmes chiens présentent toutes les couleurs. Cette diversité génétique peut constituer le point de départ de toutes les races de chien de protection en Europe et ailleurs.
En tout cas, sans en avoir la certitude, nous pensons que l’hypothèse que nous avançons est plus vraisemblable que l’hypothèse qui consiste à considérer que le dogue du Tibet est l’ancêtre de tous les chiens de protection… sauf si les défenseurs de cette dernière hypothèse nous apportent les arguments qui s’imposent pour épauler solidement leurs convictions.
Et si notre hypothèse s’avérait juste, d’où vient alors le dogue du Tibet ?
La suite, nous la devons à la plume de notre ami Daniel DERAIN.
« - Je possède une revue sur les chiens datant de 1973 comprenant un article sur les chiens de combat en Afghanistan. Les chiens sont présentés comme étant des dogues du Tibet mais les photos montrent des bergers d'Asie centrale. Les deux races, qui étaient encore inconnues en Europe à cette date, ont été confondues. Cette confusion n'aurait-elle pas pu se produire également il y a plusieurs siècles par des voyageurs comme Marco Polo, par exemple ?
- Les explorateurs Gabriel Bonvalot et Henri d'Orléans revenant d'une expédition en Asie Centrale indiquent que le dogue du Tibet existerait dans toute sa pureté dans le Pamir et le Turkestan. Le problème est que ces territoires sont ceux du
Revue du Chien, Juin 1973. (revue qui n’existe plus)
Berger d'Asie Centrale et non du Dogue du Tibet. Donc là encore il y a eu confusion.
- Une autre source indique que le Dogue du Tibet se divise en quatre variétés. La plus grande, la plus agressive, d'une utilisation guerrière, est appelée «gom khy ». Le nom du berger d'Asie Centrale d'Afghanistan est «koo chee». La similitude phonétique entre les deux termes est tout de même troublante.
Il n’y a pas de dogue du Tibet en Afghanistan.
Les chiens sur la photo sont des chiens de
l’Asie Centrale et non des Dogues du Tibet.
En 1973, ces reporters se sont visiblement
trompés mais cela n’a pas empêché la cynophilie
« moderne » de se construire sur une banale
erreur sans vérification aucune.
- Tous les voyageurs ont été impressionnés par la taille gigantesque des chiens rencontrés. Or, le Dogue du Tibet tourne autour de 70 cm au garrot, 75 pour les plus grands mâles. L'Asie Centrale, quant à lui, atteint allègrement et dépasse même facilement les 80. Il correspondrait bien mieux à cette description.
- Les premier dogues du Tibet importés en Europe au 19 ème siècle ne s'acclimataient pas et mouraient très rapidement. Le climat, mais surtout je crois la différence de pression due à la différence d'altitude, ainsi que la teneur en oxygène expliquent cela. Tous les chiens présents en occident actuellement proviennent du Népal et de l'Inde du Nord, c'est à dire des sujets ayant été acclimatés progressivement à des altitudes moindres.
On pourrait donc concevoir le Dogue du Tibet, au moins sous sa forme authentique, comme un chien physiologiquement inféodé à un environnement de très hautes altitudes (plateaux à plus de 4000 m), environnement qu'il pourrait difficilement quitter, dont il serait en quelque sorte prisonnier.
Ou on l'amène directement à de faibles altitudes et il risque de mourir, ou on l’acclimate progressivement, comme par paliers, mais on risque d'obtenir un autre chien, différent car vivant dans un environnement différent.
Cao de Gado Transmontano, Portugal.
Descendant des chiens de l’Asie Centrale ou du Dogue du Tibet ? Source :
http://www.caodegadotransmontano.org.pt/
On peut se poser les questions suivantes : un tel chien, très spécialisé et très dépendant d'un environnement extrême, peut-il voyager des milliers de km pour donner naissance à d'autres races ?
Les nomades ayant migré vers l'Ouest se seraient ils compliqués la vie en amenant avec eux un animal dont la survie aurait été problématique ?
- Je voudrais terminer par un autre argument en faveur de la thèse du berger d'Asie Centrale ancêtre des chiens de protection. Ceci en s'intéressant à deux races Portugaises, le Rafeiro do Alentejo et le Cao de Gado Transmontano. Allez donc voir les photos de ces chiens et voyez la similitude avec les Asie Centrale. J'ai vu des Rafeiro do Alentejo dernièrement en me promenant à l'exposition de Toulouse, et je peux vous dire que la ressemblance avec l'Asie Centrale est stupéfiante. Ne pourrait-on pas alors considérer les descendants occidentaux des bergers d'Asie Centrale de la façon suivante :
- Une grande partie d'entre eux se seraient croisés avec des races locales pour donner par exemple le Maremme, Estrela, Montagne des Pyrénées, etc...
Une autre race portugaise qui ressemble aux
chiens de l’Asie Centrale. Rafeiro do Alentejo,
Elevage des jardins des Etoiles, France.
http://www.chiensducamila.com/Eleveurs%20
rafeiro_camila.htm/
Images publiées avec l’aimable autorisation de Christelle VOISIN.
Rafeiro do Alentejo.
Elevage des jardins des Etoiles, France
Cao de Gado Transmontano, Portugal.
Qui n’aurait pas confondu le chien du milieu avec le Karabash ?
Source: http://www.caodegadotransmontano.org.pt/
- Une petite partie serait restée proche du modèle original, avec très peu de modifications comme le Rafeiro do Alentejo et le Cao de Gado Transmontano.
Pour toutes ces raisons, je pense que le chien grand comme un âne et ancêtre des molosses qu'ont vu Marco Polo et bien d'autres n'était pas un Dogue du Tibet mais un berger d'Asie Centrale. Je crois aussi qu'il faut se méfier des témoignages anciens des explorateurs et voyageurs de ces régions. Ils n'étaient pas forcément cynophiles et l'étude des chiens n'était pas le motif de leurs expéditions. D'autre part ces races là étaient encore inconnues en Occident et ils n'avaient pas de point de comparaison.
Dans ce livre du club de Cao de Gado Transmontano, il
est clairement indiqué que ce chien est originaire de
l’Asie centrale et qu’il est arrivé au Portugal en passant
par l’Asie Mineure, les Balkans et l’Europe.
Images reproduites avec l’aimable autorisation de Luis MOREIRA. Source : http://www.caodegadotransmontano.org.pt/
Bien entendu, toutes ces considérations ne dénigrent en rien le Dogue du Tibet, qui serait ainsi l'exemple peut-être unique d'une race ayant vécu depuis la nuit des temps en vase clos, dans un univers hostile de hauts plateaux et préservé jalousement par les moines bouddhistes. »
Cao de Gado Transmontano, Portugal.
La ressemblance avec les chiens de
l’Asie Centrale est frappante.
Source :
http://www.caodegadotransmontano.org.pt/
Marco Polo a emprunté la route de la soie
qui bien entendu ne traverse pas le Tibet,
le toit du monde.
http://marcopolo.mooldoo.com/
Marco Polo a suivi la variante sud de la route
de la soie qui serpente le versant nord de la frontière nord
de la chaîne Himalayenne. Il n’est jamais entré au Tibet.
Carte, route de la soie. (Wikipédia)
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© DERBENT Anne-Marie 2006 |